Chaque époque développe des tics de langage. C’est amusant, parfois irritant !
Voici trois expressions qui m’agacent actuellement. En va-t-il de même pour vous ?
Possiblement
Le ministre se rendra possiblement au salon de l’agriculture.
L’entreprise sera possiblement fermée la semaine du 15 août.
Ah oui, possiblement ? Et si on utilisait tout simplement l’adverbe peut-être ?
Être en capacité de
J’ai entendu cette expression pour la première fois venant de l’ancien ministre de l’Éducation nationale, à l’époque où nager en piscine se disait Se déplacer (…) dans un milieu aquatique profond standardisé.
J’ai trouvé cette expression être en capacité de bien lourde, mais je ne m’en suis pas inquiétée.
Malheureusement, Être en capacité de fait aujourd’hui florès. On l’entend à la radio et je la lis même dans les travaux de mes étudiants. Cela me paraît refléter une fâcheuse tendance : on multiplie les mots aux dépens de la concision. C’est paradoxal puisqu’on affirme manquer de temps !
Alors, rappelons-nous que pouvoir reste un verbe simple, efficace et qu’il ne fait que deux syllabes !
Porter
On ne se contente plus de porter un manteau, un parfum ou un arbre des fruits ! On porte aussi un projet, une ambition, un désir de justice, etc.
Or, pour des mots tels que projet, ambition, désir, l’expression correcte serait Tel projet ou telle ambition ou encore tel désir me porte et non Je porte tel projet, telle ambition, tel désir. On peut aussi tout à fait utiliser la voix passive : Je suis porté par tel projet ou telle ambition ou tel désir.
Les Échos du 16 février ont consacré une chronique intéressante et drôle au détournement de langage dont porter fait l’objet. Ils ont également cherché à expliquer ce que cela reflétait.
L’article explique que lorsqu’elle est correctement utilisée, cette expression confère une certaine passivité à l’agent (Il est porté par son ambition) qui subit quelque chose qui le dépasse, le transcende.
En devenant celui qui porte, le sujet s’accaparerait cette transcendance et ainsi mettrait en avant son volontarisme. Je vous invite à lire l’article qui explique bien mieux que moi ce propos !