Antenne de police, octobre 2018, salle des pièces d’identité.

Je m’extasie de nouveau sur l’efficacité de la procédure. Avertie par SMS, je viens récupérer mon nouveau passeport. Il y a un mois, lors du premier rendez-vous pour déposer les documents nécessaires, rendez-vous pris sur internet, c’est à peine si j’ai patienté cinq minutes. Rien à voir avec l’attente et le manque d’organisation auxquels j’avais été confrontée lorsque j’avais renouvelé mes papiers 10 ans plus tôt.

L’informatique, c’est beau, même l’administration devient simple et agréable.

C’est déjà mon tour. En face de moi, une jeune femme correcte, gestes très efficaces, très pro. Elle me tend ma carte d’identité. Je suis un peu surprise, j’attendais un passeport :

–         Ah, mais c’est une carte d’identité ?

–         Madame, il faut lire ce que vous écrivez : vous avez demandé un passeport et une carte d’identité. Le passeport n’est pas encore prêt.

Je redescends sur terre : le rappel à l’ordre « Madame, il faut lire ce que vous écrivez » m’a un tantinet agacée et je dis, en prenant une voix tout miel, un soupçon de malice oblige :

–         Je n’avais plus en tête que j’avais aussi commandé une carte d’identité et, rassurez-vous, je sais relire ce que j’écris !

Le visage en face de moi se crispe un peu :

–         Mais, j’vous ai pas agressée !

Ça y est, la formule est dégainée, le j’vous ai pas agressé qui, précisément suscite l’agression. Adieu climat efficace et policé, adieu belle procédure parfaitement huilée. Deux humains se parlent et la tension est perceptible.

Pourquoi a-t-on si souvent recours à ce j’vous ai pas agressé ? Parce que la phrase est à la mode ? Oui, mais pourquoi ? Parce qu’elle paraît mettre efficacement un terme à une discussion, clouer en quelque sorte le bec à son interlocuteur ?

Peut-être.

De mon point de vue, autre chose explique le succès de cette formule : l’appauvrissement du vocabulaire. On ne sait plus nuancer ses propos pour apporter une réponse appropriée. On dégaine immédiatement une formule à l’emporte-pièce sans même se rendre compte de ce qu’elle a…d’agressif !

Et vous, qu’en pensez-vous ? Êtes-vous, vous aussi, agacé par le J’vous ai pas agressé ? Ou est-ce une autre expression qui a le don de vous irriter ?