Une expression fait florès, tout particulièrement, me semble-t-il, depuis le mouvement des gilets jaunes: l’emploi, à tout bout de champ, du mot entendre à la place d’écouter ou de comprendre.

Quand peut-on employer entendre à la place d’écouter ?

Le sens premier d’entendre est percevoir par l’ouïe que l’on distingue évidemment d’écouter qui requiert une volonté. Il est vrai que, par ailleurs, entendre peut avoir, en français littéraire, d’autres significations, parmi lesquelles ordonner, comprendre, écouter avec beaucoup d’attention.

J’entends qu’on m’obéisse !

Le ministre a entendu votre point de vue.

La Haute assemblée a entendu l’Association des maires de France.

Donc, réservons l’emploi d’entendre, dans le sens de comprendre ou d’écouter, au français littéraire ou au français (très) soutenu !

 

Réservons-le à un certain contexte et prenons garde à la grandiloquence !

Le français littéraire requiert un contexte spécifique. Dans le cas d’entendre, il reflète une certaine solennité. Ainsi, dans le cadre d’une déclaration du porte-parole du gouvernement, il sera opportun de mentionner que le président a entendu les revendications des gilets jaunes, mais on évitera d’indiquer qu’un journaliste qui, lui, les a a interviewés a entendu ces mêmes revendications.

Dans la même logique, il me semble présomptueux d’utiliser entendre dans son sens littéraire à la 1re personne du singulier. N’est-ce pas donner trop d’importance à ses propres propos, à moins, bien sûr, que l’on n’incarne une entité précise telle que la France, le président, un maire, etc.

 

Utiliser un terme compliqué pour donner de l’épaisseur à ses propos est une tentation qui risque de devenir une habitude de langage

Malheureusement, on a désormais tendance à employer entendre dans son sens littéraire d’écouter avec attention, quel que soit le contexte, et beaucoup à la 1re personne du singulier, simplement pour tenter de donner davantage d’épaisseur à ses propos. On assisterait, selon moi, à une sorte de banalisation de l’acception littéraire du mot.

Il me semble d’ailleurs que cette tendance est déjà perceptible chez les étudiants. Depuis quelques mois, il est arrivé plusieurs fois qu’un étudiant souhaitant poser une question ou communiquer son opinion en cours s’adresse à moi en indiquant au préalable très poliment qu’il a bien entendu mes propos.

Ce glissement ne risque-t-il pas d’ailleurs de conduire, à terme, à atténuer la distinction pourtant bien tranchée entre écouter et entendre dans leur sens premier ?

Face à ces confusions, il importe plus que jamais de développer son sens de la nuance dans le langage

Une fois de plus, je voudrais souligner combien la nuance est essentielle dans le langage. À propos, connaissez-vous un petit ouvrage extrêmement intéressant : 1000 mots pour réussir, édition Belin ? Il propose des fiches de vocabulaire par thème : le vocabulaire du raisonnement, du temps, du lieu, de l’ordre de grandeur et d’importance…Bien sûr, il est un peu austère de l’aborder seul: le mieux, c’est sans doute de le faire dans le cadre d’une formation à l’écrit d’entreprise, avec son coach…