En cette période de coupe du monde, j’aimerais évoquer le bel essor du vocabulaire sportif en entreprise. Je le mettrai en perspective avec ses deux rivaux : le vocabulaire militaire et l’anglais ou plutôt son avatar, le globish.
Aimé Jacquet, un effet durable
Selon une amie consultante RH dont je partage le point de vue, c’est l’engouement suscité par l’entraîneur des Bleus, l’effet Aimé Jacquet, qui s’est répercuté en entreprise : l’esprit d’équipe, arbitrer, le terrain de jeu sont des termes que l’on utilise aujourd’hui, sans même s’en rendre compte.
C’est dans cette dynamique que le vocabulaire du tennis, de la voile ou encore du rugby s’est généralisé avec monter au filet, fixer ou tenir le cap, piloter, être dans la mêlée… La notion de dépassement de soi, commun à tous les sports, a rejoint les représentations de l’entreprise. Le mot coach, qui concerne lui aussi tous les sports, est venu concurrencer celui de manager ou s’y apposer : un manager, véritable coach. Le succès du terme est tel qu’on oublie parfois son acception première en parlant de coach sportif !
Il y a quelques années, un manager d’une importante caisse de retraite m’a annoncé que son équipe et lui allaient transformer l’essai. Ce mot essai ne me disait rien qui vaille, mais devant son air convaincu, je n’ai pas osé exprimer mon étonnement…
Un ton guerrier qui perdure toutefois
Sécuriser, client cible, fenêtre de tir, blinder un projet, se mettre en ordre de marche, sont autant de mots répandus en entreprise qui ont été empruntés au vocabulaire militaire.
La référence à l’armée est d’ailleurs ancienne. Henri Fayol, considéré comme l’un des premiers théoriciens du leadership, ne s’y réfère-t-il pas explicitement dans ses Principes généraux d’administration publiés en 1916 ?
Le terme cadre apparu, quant à lui, dans les années 30 a pour origine une référence directe à l’armée : le cadre a d’abord été le tableau qui répertoriait les noms des gradés de l’armée puis, il a désigné les gradés eux-mêmes.
J’ai lu que les chefs du personnel dans les années 60 étaient souvent d’anciens militaires, sans toutefois trouver les chiffres étayant ces affirmations. Quoi qu’il en soit, quelque 30 ans plus tard, c’était bien le cas du responsable du personnel de la direction Outre mer aux AGF où je travaillais.
Le globish, amusant, mais parfois agaçant !
La grande tendance du vocabulaire de l’entreprise est évidemment l’anglais. L’anglais et le vocabulaire du sport s’associent parfois efficacement : un challenge, ou encore un coach.
L’anglais ou le globish peut devenir agaçant quand on en émaille ses propos : N’oublie pas, on doit délivrer la propale au client demain à 15 heures ! C’est la deadline. Prépare-lui un mail pour lui dire que tu la lui envoies asap.
On a tous entendu de telles phrases et, reconnaissons-le, on s’est parfois plu à utiliser ce vocabulaire-là. Faisons-le avec parcimonie…
Il y a quelques années, la vidéo Ce que disent les Parisiens au bureau m’avait amusée. La connaissez-vous ? Elle épingle sans méchanceté les tics de langage au bureau, en particulier s’agissant du globish.
Se référant tantôt à l‘univers sportif, tantôt à l’univers militaire ou encore empruntant à l’anglais, le vocabulaire de l’entreprise en dit certainement beaucoup sur nos représentations de l’entreprise.
Et dans la vôtre, quelle est la tendance qui se dégage le plus ?